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Publié le 30 juin 2020 par Soulier Avocats

Capital investissement en France : Modes d’investissement privilégiés par les fonds et mécanismes de protection

Dans le contexte inédit de la crise sanitaire induite par l’épidémie de COVID-19, les transactions en matière de capital-investissement se sont fortement ralenties. Bon nombre de fonds ont, en effet, opté pour une stratégie de repli sur leur portefeuille d’investissement et d’accompagnement de ces participations afin de leur permettre de faire face à des besoins accrus de trésorerie.

Cette crise est aussi l’occasion de prendre du recul sur une année 2019 particulièrement dynamique en matière d’investissement pour le capital-investissement français et de dégager des tendances, tant en ce qui concerne les modes d’investissement jusqu’à présent privilégiés par les investisseurs (1) que sur le plan des protections conférées à ces derniers d’autre part (2).

1. Les modes d’investissement privilégiés par les fonds d’investissement en matière de capital-investissement

Les fonds de capital-investissement investissent généralement dans des opérations via la souscription d’actions ordinaires et/ou d’actions de préférence. Les actions de préférence qui confèrent à leurs titulaires des droits spécifiques (tels que droits de vote multiples, accès prioritaire à l’information, droits à dividendes prioritaires, etc.) sont des mécanismes très utilisés en pratique. Cela étant, l’émission d’actions de préférences peut se révéler (i) coûteuse étant donné qu’un commissaire aux apports devra être désigné, et (ii) complexe dans la mesure où des assemblées spéciales de titulaires d’actions de préférence devront être convoquées pour approuver toutes modifications des droits attachés aux actions de préférence.

Il est également assez courant pour les fonds de souscrire à des valeurs mobilières composées de la société cible en complément de la souscription à des actions ordinaires et/ou de préférence. Les valeurs mobilières composées (ou valeurs mobilières donnant accès au capital) se sont considérablement développées en France au cours des dernières années. Elles sont particulièrement adaptées aux investissements réalisés en plusieurs tranches. En effet, le recours aux valeurs mobilières donnant accès au capital permet le versement immédiat d’une première tranche d’investissement tout en planifiant la libération de la tranche suivante. Il peut s’agir par exemple de bons de souscription d’actions ou « BSA » consistant en l’émission de bons de la société cible permettant à l’investisseur de souscrire à un certain nombre d’actions de la société à un prix fixé par avance par la conversion de ses BSA au cours du tour de table suivant. 

L’investissement dans des valeurs mobilières composées, en complément d’une souscription d’actions nouvelles et/ou de préférence, peut également prendre la forme d’obligations convertibles (« OC ») ou d’obligations remboursables en actions (« ORA »). L’émission d’obligations convertibles ou d’obligations remboursables en actions permet à la société cible de disposer tout de suite de fonds sans pour autant diluer immédiatement les autres associés. Pour l’investisseur, ce type de valeurs mobilières composées lui assure une rentabilité négociée par avance grâce à la stipulation d’un taux d’intérêt. En outre, avec les obligations convertibles, l’investisseur dispose d’une liberté de choix quant au mode de dénouement : remboursement de la créance en numéraire ou remboursement de la créance par conversion en actions de la société.

2. Mesures de protection à la disposition des investisseurs

Les investisseurs en capital-investissement bénéficient de la protection conférée par les statuts de la société cible et des documents transactionnels, incluant notamment l’acte d’acquisition des titres et le pacte d’associés. Les statuts et les documents transactionnels prévoient généralement différents mécanismes de protection, notamment en matière de :

  • gouvernance de la société cible,
  • transfert de titres (incluant notamment droits de préemption, agrément, clauses de sortie conjointe (tag-along) ou de sortie forcée (drag-along), clauses de sortie fautive (bad-leaver), etc.),
  • principe de non-dilution (mécanisme dit « ratchet »),
  • clauses de non-concurrence et de non-sollicitation liant les dirigeants clefs.

Outre les clauses précédentes, l’investisseur se voit également consentir une garantie d’actif et de passif relative aux titres acquis, prévoyant l’indemnisation de l’investisseur par le vendeur dans le cas où un passif ou une diminution d’actif – non révélé au moment de la cession – viendrait à apparaitre par la suite. Des indemnités spécifiques sont généralement prévues en matière de droit social, de fiscalité et douanes, de règlementation environnementale, etc.

Il est généralement demandé au vendeur de fournir une garantie de la garantie, afin de sécuriser son obligation d’indemnisation aux termes de la garantie d’actif et de passif consentie. La garantie la plus efficace est la garantie autonome à première demande consentie par un établissement de crédit compte tenu de son caractère autonome par rapport au contrat de garantie d’actif et de passif. Cette garantie peut aussi prendre la forme d’une caution consentie par le vendeur ou un établissement de crédit. Outre ces garanties, une alternative peut consister à placer une portion du prix d’acquisition dans un compte séquestre.

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Si un rebond n’est pas exclu dans les prochains mois, il est certain que la prudence reste de mise chez les fonds français. Gageons qu’ils seront, en effet, amenés à revoir avec attention leurs modes d’investissement et les mesures de protection à leur disposition. Cela se traduira également par une plus grande attention portée à la négociation de clauses de force majeure, d’imprévision et de changement significatif (material adverse change) par les fonds dans un souci de renforcer la sécurité juridique de leurs investissements.